Les textes que je publie dans cette rubrique "autres récits" ne sont pas des "récits
pornographiques" (autre rubrique ce blog), même s'ils en sont plus ou moins la suite.
Ils sont nés d'une espèce de nécessité psychologique qui s'est imposée à moi. Ne
sachant pas où je pourrais les publier, pour le moment, je les faire paraître sur ce blog.
N'étant pas à
caractère pornographique, vous n'êtes pas obligés de les lire si c'est du sexe que vous venez chercher ici.
Après que sa maman m'ait présenté à ses amies, Sarah m'a aussi présenté à son équipe. C'était le
dernier vendredi de juillet. Elle m'a demandé de la rejoindre à son cabinet vers midi. J'ai vu à quoi ressemble l'endroit où elle travaille. C'est au pied d'un vieil immeuble, comme une … comme
une boutique avec une grande vitrine, avec écrit dessus en gros "Sarah de Abreu / Sven Nørgaard / Architectes". Il s'appelle donc comme ça, le Sven. Je ne sais même pas de quelle nationalité il
est. Ce nom, ça sent le scandinave. Je me demande si quelqu'un n'a pas parlé du Danemark à son sujet … mais je ne sais plus.
Leur cabinet d'architectes, donc. Dedans, un grand espace, tout blanc, très lumineux … des
bureaux très espacés les uns des autres … un coin où c'est plus resserré, plus "entassé" … un autre coin où, selon Sarah, ils peuvent recevoir leurs clients … et un bureau un peu séparé des
autres et fermé par des cloisons de verre, comme un grand bocal à poisson rectangulaire …
Sarah m'a donc présenté « Je vous présente Marin, c'est mon compagnon »… Sven, je le
connaissais déjà … il y avait Clotilde, leur secrétaire, une jeune femme brune, très souriante et sympathique … Isabelle, l'ingénieure en génie civil que Sven avait eu tant de mal à recruter au
moment où j'avais rencontré Sarah … c'est aussi une jeune femme, la trentaine, peut-être un peu moins ... assez … ordinaire … peut-être un peu timide ou réservée … le visage plutôt quelconque,
mais avec d'assez beaux yeux … des cheveux mi-longs, raides, châtains et tirés en arrière en queue de cheval … Rodrigo, un étudiant en architecture en stage chez Sarah et Sven, très typé et avec
un fort accent espagnol … et, dans le bureau fermé, Marielle … Marielle qui vient apparemment de terminer une conversation au téléphone, et qui ne se déplace pas pour autant pour me saluer. Alors
c'est Sarah qui m'entraîne dans le bocal … « Viens, Marin, je vais te présenter Marielle ». Accueil glacial, mâchoires serrées, main tendue avec réticence, comme si la mienne était sale
et répugnante … ben dis donc, elle ne cache pas son hostilité, celle-ci …
Elle a … quarante cinq, cinquante ans … difficile à dire … blonde, la coiffure très apprêtée,
impeccablement maquillée, parfumée, une robe de couturier, en tout cas certainement pas du prêt à porter, aux pieds, des escarpins sans doute de marque, l'air sûre d'elle-même, autoritaire,
hautaine … une maîtresse femme. C'est donc elle qui considère que Sarah a tort d'être venue me voir ! Elle me foudroie du regard et cherche à retirer sa main, à peine a-t-elle effleuré la mienne
… mais je la serre un peu plus fort et je la retiens pendant une fraction de seconde en soutenant son regard avec un grand sourire:
- Enchanté, madame … Sarah m'a parlé de vous.
Elle scille des yeux … elle ne s'attendait pas à ça … elle ne doit pas avoir l'habitude qu'on
ose l'affronter. Sarah a senti la tension … elle me prend le bras et m'entraîne:
- Bon, viens, on y va.
Nous ressortons du bocal, Sarah et moi, et nous rejoignons les autres. Sarah:
- On a réservé une table chez Ali … c'est un restau marocain pas très loin … tu aimes ça,
Marin ?
- Oui, c'est parfait.
- Alors allons-y.
Nous commençons à sortir, et Sarah se ravise:
- Allez-y … on vous rattrape …
Elle me fait signe de suivre les autres. En effet, Marielle est toujours dans son bocal … elle
s'est assise derrière son bureau et elle semble pianoter sur son clavier d'ordinateur. A travers la vitrine, je vois Sarah entrer dans le "bocal" et parler … l'autre secoue la tête … "non" …
Sarah semble s'énerver, et visiblement, le ton monte … alors l'autre finit par se lever, prendre une veste sur le dossier de son fauteuil, et suivre Sarah. Elles sortent, bouclent la porte en
verre et nous rejoignent. Sarah me prend par le bras. Marielle marche devant, à toute vitesse, pour rattraper le reste de l'équipe.
Un truc marrant … arrivés au restaurant, il s'avère que notre table se trouve devant une espèce
de banquette adossée au mur. Sven se glisse sur la banquette, aussitôt imité par Sarah … je m'apprête à la suivre, mais je suis pratiquement bousculé par Marielle qui s'empresse de
s'asseoir à côté de Sarah … Sarah qui se retrouve donc coincée entre son associée et sa collaboratrice. Sarah semble désemparée, tandis que l'autre me toise avec un air de défi. Je sens un
malaise chez la secrétaire, l'ingénieure et le stagiaire, restés debout à côté de moi. C'est Sven qui vient à la rescousse en se levant et en me faisant signe de prendre sa place. Je m'installe
donc à côté de mon amour et Sarah, un peu gênée, me prend ostensiblement la main et sourit à tout le monde. De tout le repas, tandis que le reste de l'équipe s'efforce de me mettre à l'aise,
Marielle ne m'adresse pas la parole.
Ce n'est pas la même ambiance qu'avec les "connaissances" de Maria, la maman de Sarah … c'est
plus feutré, moins direct, plus affable, plus policé, mais ici aussi, je suis un peu la bête curieuse … j'intrigue … on me questionne, on s'intéresse, et mine de rien, on me jauge … qui est
ce type pour lequel Sarah s'était mise dans un tel état ? Mais, Marielle exceptée, je sens aussi de la bienveillance de la part des autres. Et puis, vers le milieu du repas, Sarah:
- Marin … on a un peu réfléchi à ta proposition … tu sais, pour transférer notre cabinet
dans le Finistère … alors voilà, avec Sven, on voudrait aller voir … le terrain dont tu nous as parlé … mais pas seulement … l'environnement … où ça se trouve exactement, les commodités en termes
de transport, de communication … ces choses là … et le logement aussi, pour les membres de notre équipe …
- Ben, bien sûr … tout ce que vous voulez, évidemment … c'est à vous de juger … alors on va
voir quand vous voulez …
- Justement, à la fin de la semaine prochaine, le cabinet ferme trois semaines pour les
vacances … enfin, il reste toujours quelqu'un au bureau pour répondre aux appels des clients et des prestataires … mais Sven et moi, nous prenons nos vacances les premiers, et c'est soit
Marielle, soit Isabelle qui assureront la première semaine de veille à Paris … on n'a pas encore décidé laquelle des deux, il faut qu'elles se mettent d'accord … donc, si tu veux, on pourrait
aller à Plouménez, Sven, toi et moi, pour voir ton terrain … et moi, je pourrais passer quelques jours avec toi là-bas … tu avais parlé à David et Laura de les accueillir chez toi pendant ces
vacances … je crois qu'ils seront aussi en congé à cette période … ça serait chouette, non ?
- Ben oui … vous me dites …
- Ben … on ferme le cabinet vendredi prochain … on pourrait prendre le TGV samedi matin
…
- Vous avez réservé des billets ? Parce que ce sera un week-end de grands départs en
vacances et les TGV risquent d'être complets …
- Ah oui, mince, on n'a pas pensé à ça ! Marielle, tu … oh et puis non … on n'a qu'à essayer
d'avoir des places dans un avion … c'est soit Quimper, soit Lorient, je crois … on voit ça cet après-midi avec Sven … hein, Sven …
- OK, je m'en occupe !
Après le repas qui a un peu duré – Isabelle, Clotilde et même Rodrigo m'ont beaucoup questionné
sur le Finistère, et Sven s'est abondamment épanché sur le sujet, à tel point qu'on aurait cru qu'il travaillait pour le syndicat d'initiative – l'équipe a regagné le cabinet et je suis rentré à
l'appartement de Sarah. Chemin faisant, j'ai appelé Gégé:
- Gégé, ça va ?
- Ça va, patron. Et toi ?
- Impec. Dis, j'aurais besoin que tu fasses un travail en urgence pour moi …
- C'est quoi …
- Tu vois le terrain à l'entrée de la ferme … celui qui fait l'angle de la départementale et
du chemin d'accès …
- Ouais … de quel côté … à droite ou à gauche, en entrant dans le chemin …
- A gauche … le grand terrain …
- Ouais, je vois ... et alors ?
- Je voudrais que tu le défriches … tu demandes à Jean si il peut te prêter son tracteur
avec la broyeuse et tu la passes sur la friche … je vais l'appeler, Jean, de toute façon …
- Ben , pas de problème …
- Attention, tu broies les ronces, les fougères et les prunelliers, mais tu épargnes tout le
reste, pins, sapins, chênes …
- Ouais, les arbres, quoi …
- T'as tout compris.
- Qu'est-ce qui se passe, patron ? T'as trouvé un acheteur ? Je croyais que tu voulais pas
le vendre …
- J'ai mieux que ça ! Sarah et son associé veulent le voir … tu sais, je leur avais proposé
d'y installer leur cabinet … ça pourrait les intéresser …
- Ah yessssss !
Depuis quelques temps, Gégé a adopté cette expression quand quelque chose l'enthousiasme … et au
passage, il a arrêté de faire des jeux de mots vaseux sur le cabinet de Sarah, du genre « Ils vont à plusieurs au cabinet ? » ou « Ta Sarah, elle passe sa journée au
cabinet » … il a compris qu'un peu, ça allait et qu'il était temps de trouver un autre sujet d'amusement. Il enchaîne:
- J'en étais sûr, patron ! Elle va venir, ta Sarah ! Tu verras, elle va venir habiter ici
avec toi !
- J'espère, mec. Je compte sur toi, hein, pour le terrain …
- Tu peux, patron, tu peux !
Ensuite, j'ai appelé Jean … évidemment, il peut prêter son tracteur et la broyeuse … si il a un
peu de temps, il viendra même fignoler lui-même, avec sa débroussailleuse, les endroits où le tracteur ne passe pas …
Gégé, Jean et Cécile, je les ai appelés régulièrement depuis que je suis à Paris … les uns comme
les autres, ils commençaient à se dire que je ne reviendrai peut-être pas … les voilà un peu rassurés.
Le soir, Sarah m'annonce que Sven a réussi à trouver des places sur un avion, mais ce sera
Lorient et pas Quimper, saturé à cette date, et ce ne sera pas samedi matin, mais vendredi 1er août dans l'après-midi. Ce n'est pas grave, c'est Michel, le mari de Sven qui viendra nous récupérer
à l'aéroport. Il est à Quimper pour deux semaines.
Vendredi 1er août. 15h30. Aéroport d'Orly.
Nous venons d'embarquer. Je pensais que nous serions trois, Sven, Sarah et moi, mais Isabelle,
l'ingénieure, nous accompagne. Sarah avait simplement oublié de me le dire. Isabelle m'explique que si le cabinet s'expatrie en Bretagne, soit elle pourrait suivre, soit demander à être licenciée
en accord avec Sarah et Sven. Alors elle veut voir ce que c'est que ce Finistère qu'elle ne connaît pas avant de prendre une décision. Elle est célibataire, sans attache à Paris ou en Bretagne …
sa mère vit en Savoie, alors Paris ou Quimper, elle n'a d'a priori sur rien. Là, elle est en vacances pour une semaine, pendant que Marielle assure la permanence à Paris, et elle prendra le
relais après elle … alors elle vient voir le terrain avec nous et ensuite, elle avise … soit elle reste en Bretagne si le coin lui plaît – Sven a proposé de l'héberger le temps de son exploration
-, soit elle descend voir sa mère et son frère en Savoie …
Vendredi 1er août. 17h00. Aéroport de Lorient Bretagne Sud
Michel, le mari de Sven est là, qui nous attend dans le hall de l'aérogare. Je me souviens de
lui, il était à Roissy quand Sarah et Maria ont emmené leur père et mari au Cap Vert. Sven se tourne vers moi:
- On fait quoi, Marin ?
- Il n'est pas tard … si vous voulez, on a le temps d'aller jeter un premier coup d'œil au
terrain … d'ici à Plouménez il doit y avoir une heure de trajet … après, si ça ne vous dérange pas, vous nous déposez chez moi, à Lannégat, Sarah et moi … c'est à une quarantaine de minutes de
Plouménez … on peut même dîner sur place … on trouvera bien une table disponible dans un restau …
Sven consulte les autres du regard, puis:
- Bon. Faisons comme ça … en voiture.
Une heure plus tard, nous voilà à l'entrée du chemin d'accès à Coat ar Bleiz. Je dis à Michel de
se garer, et:
- Voilà, c'est ici. On peut descendre.
Je montre le terrain:
- C'est celui-ci. Il va jusqu'au fond, là-bas … on aperçoit une clôture en fil de fer
…
Sven:
- Ah oui ! Il est plus grand que ce que j'avais imaginé d'après les photos aériennes et le
cadastre …
- Entre le chemin et le fond du terrain, il y a soixante mètres … et dans l'autre sens,
peut-être cent cinquante ou deux cent mètres, je n'ai pas mesuré … mais il va en rétrécissant …
Sarah:
- Mais … il n'était pas comme ça quand tu me l'as montré …
- Non. Quand vous m'avez dit que vous vouliez le voir, je l'ai fait débroussailler par Gégé
et Jean … tu sais, le voisin …
- Ah oui, mais ils ont laissé les arbres …
- Oui. Si vous construisez ici, vous enlèverez ceux qui vous gênent, mais je pense que ce
serait mieux de laisser les autres …
Sarah se tourne vers Sven:
- Tu imagines nos locaux ici ?
- Ben … comme ça, difficilement … Et alors, Marin, il y a quoi comme équipements … tu sais,
électricité, réseaux … ce genre de chose …
- Ben, l'électricité passe là … tu vois, je l'ai fait ré-installer pour la ferme … elle est
au bout du chemin, la ferme … on ira la voir, après … et j'ai tout fait enterrer … l'eau aussi … et pour le téléphone, pour le moment, je suis en 4G. Mais la fibre est déjà dans la commune
voisine, et ici, à Plouménez, on devrait l'avoir d'ici à six mois …
- Et alors, tu nous céderais quoi, exactement …
- Exactement ? Exactement ce que vous voulez … C'est une seule parcelle, mais on peut la
diviser … de mémoire, au total, elle fait dans les huit mille mètres carrés … on vérifiera …
- On n'aurait pas besoin d'autant …
C'est curieux … c'est surtout Sven qui pose des questions, c'est lui qui semble à la manœuvre,
comme si c'était lui qui devait décider, alors que la patronne du cabinet, c'est Sarah … enfin, l'associée principale, si je me souviens bien … bof, c'est peut-être parce que Sarah voit dans
cette affaire une sorte de conflit d'intérêts pour elle, entre le côté professionnel et le côté affectif à mon égard … alors elle se contente de me tenir le bras.
- Tu sais, Sven, c'est vous qui voyez, avec Sarah … de toute façon, moi, je n'avais pas
l'intention d'en faire quoi que ce soit, de ce terrain … seulement ça, le nettoyer, le débroussailler … pour l'aspect que vous voulez offrir à vos visiteurs, vous pouvez faire paysager une sorte
de parc autour du bâtiment … il faut aussi prévoir un parking …
- Et Sven, on pourrait aussi rapatrier toutes nos maquettes … et là, il nous faudrait de la
place …
C'est Sarah qui vient d'intervenir. Elle poursuit à mon intention:
- Actuellement, on stocke nos maquettes dans un ancien entrepôt de la SNCF … c'est un loyer,
en plus de celui de notre cabinet … et on n'est pas trop sûr que nos maquettes y soient vraiment en sécurité …
Sven:
- Et donc, Marin, on ferait comment … tu nous vendrais le terrain … Sarah m'a dit que tu es
ouvert à tout …
- Oui. Ça, c'est pareil … on fera comme ça vous arrange. Moi, je n'ai pas besoin d'argent …
j'en ai … et je vais en avoir encore davantage … Alors si vous voulez acheter, vous achetez …
- Mais le prix du mètre carré est à combien, ici ?
- Ce que j'ai vendu, c'était à 70 € …
- Waouhhhh !
- Oui. Ben, on est près à la fois de Quimper, de son bassin d'emplois et de ses centres
commerciaux, et on est près de la côte, avec un port de plaisance tout près, des plages, etc. Alors bien sûr, en cas de vente, même de gré à gré, je pourrais baisser le prix, mais quand même pas
trop … ça pourrait intriguer le fisc qui pourrait y voir je ne sais quelle magouille. C'est mon agent immobilier qui m'a expliqué ça …
- TA Gwen ?
- Oui, Sarah, MA Gwen !
- Je te charrie. Je l'aime bien, ta Gwen.
- C'est pour ça que si ça vous arrange, plutôt que de vous le vendre, je peux vous louer le
terrain sur du long terme … je crois que c'est possible de construire sur un terrain dont on n'est que locataire … et même, moi, je construis …
- Comment ça …
- Ben vous faites les plans de ce que vous voulez pour votre cabinet, je finance la
construction et je vous loue l'ensemble, le terrain ET les locaux …
Ils se regardent, tous les quatre, en ouvrant des grands yeux … Sven hoche la tête:
- Ben dis donc … tu tiens à l'avoir près de toi, ta chérie …
Je presse la main de ma chérie:
- Oui, bien sûr … mais si ça ne vous convient pas … l'endroit, l'isolement … je sais pas
quoi … ça ne fait rien, je m'adapterais … il faut que … il faut que vous preniez votre décision seulement en tenant compte de vos intérêts professionnels … Alors, vous prenez le temps de
réfléchir, vous en discutez entre vous, si ce que je vous propose vous convient, vous choisissez le montage juridique et financier qui vous arrange, et vous me dites …
- Et t'as pas peur que, les locaux une fois construits, ils te restent sur les bras
?
- SVEN ! ! ! !
C'est encore Sarah qui réagit:
- Mais, Sven, il n'est pas question de …
- Ecoute, ma chérie … on ne peut jamais prévoir ce que nous réserve l'avenir … je sais, je
te choque, mais imagine que vous finissiez par ne plus vous entendre Marin et toi … il se passe quoi … il faut tout envisager …
Je presse encore la main de Sarah:
- Sven a raison, il faut penser à tout … ben, je ne sais pas … je m'adapterais … je
chercherais un autre locataire … même si je n'en trouve pas, ça ne serait pas grave, je peux perdre de l'argent, j'en ai et j'en aurais plus que je ne pourrais en dépenser …
Sven:
- Bon, de toute façon, on trouvera un montage juridique qui te convienne autant qu'à nous …
on a le temps de réfléchir à tout ça. Euh … si j'ai bien compris, juste à côté, tu as une ferme que tu restaures …
- Oui, en effet … elle est un peu plus loin, au bout de ce chemin.
- On peut aller la voir ?
- Bien sûr. Il faut remonter en voiture.
- On ne peut pas y aller à pied ?
- On peut, mais il y a une petit bout de chemin …
- A ce point ?
- Environ un kilomètre …
- Ah OK !
Quand on arrive dans la cour de la ferme, Gégé sort de ses "appartements", visiblement surpris
de voir arriver cette voiture qu'il ne connaît pas … ah oui, "ses appartements" … Gégé n'habite plus dans l'abri de chantier de Jean … enfin, pas seulement … on a aménagé l'ancienne remise à
charrettes … réfection de la toiture avec doublage en laine de verre, également doublage des murs et cloisons de plaques de plâtre, une mezzanine qui sert de chambre, et au rez-de-chaussée une
salle d'eau moderne et des toilettes … ultérieurement, on y installera une petite cuisine … pour le moment, Gégé continue de faire sa tambouille dans l'abri de chantier … il s'est sacrément
habitué au confort, le Gégé !
Bref, je ne lui avais pas dit précisément quand nous arriverions, et nous débarquons à cinq. En
premier lieu, il se précipite vers Sarah et il l'embrasse … direct !
- Ah ! Patronne … pardon … Sarah, j'suis vachement content de vous revoir !
- Bonjour, Gégé. On se disait pas "tu" ?
- Ah si, t'as raison.
Et le voilà qui me prend à mon tour dans ses bras et qui m'embrasse. C'est la première fois
qu'il me fait ça !
- Salut patron ! T'aurais pu prévenir …
- J'ai oublié, excuses-moi … bon, je te présente Sven … c'est l'associé de Sarah
…
Ils se serrent la main.
- Isabelle, qui travaille dans leur cabinet …
Il me regarde, hilare, et il me fait un clin d'œil … mais il s'abstient de ses blagues
habituelles sur le cabinet … il a hésité un quart de seconde et il embrasse l'ingénieure, décontenancée …
- Et Michel, le mari de Sven …
Là, je m'attends au pire … une réflexion, une hésitation à lui serrer la main … je ne sais quoi
… et à ma grande surprise, il tend la main, et:
- Salut Michel …
Je m'empresse:
- Bon, c'est mon ami Gégé … il travaille pour moi … c'est lui qui a fait l'essentiel des
travaux ici … et en même temps, il fait gardien des lieux … tout va bien, Gégé ?
- Impec, patron.
- On a vu le terrain. Bon boulot, pour le débroussaillage. Merci. Euh, Gégé, je leur fais
visiter les lieux et ensuite Michel nous dépose à Lannégat, Sarah et moi …
- Ah, d'accord. Vous voulez boire un coup ?
- Euh … je ne sais pas … Isabelle ? Sarah ? Michel ?
Ils déclinent tous la proposition. Je crois que Gégé a produit son effet sur Sven, Michel et
Isabelle. Hirsute, barbu, il porte une cote de travail pas vraiment nette … bon, il ne pue pas, c'est déjà ça … il doit prendre sa douche régulièrement, maintenant qu'il a une salle d'eau à
domicile, il n'a plus besoin d'aller se laver chez Jean et Cécile, mais la Cécile doit encore plus ou moins veiller sur son linge …
Alors je fais visiter … je crois que Sven, Michel et Isabelle sont assez … pas impressionnés,
mais séduits par les lieux et par les projets d'aménagement que je leur expose … ils posent tous les trois plein de questions … à moi, mais aussi à Gégé, qui se fait un plaisir d'expliquer ce
qu'il a fait ici et là … Sarah aussi, d'ailleurs, nous pose plein de questions, comme si … comme si elle essayait de s'imaginer vivant ici …
Du coup, la visite prend pas mal de temps … on va même visiter le verger … les pommiers sont
couverts de fruits … la taille que Jean leur a fait ces deux ans les a fait redémarrer … il dit qu'à l'automne, on va sûrement pouvoir faire pas mal de cidre ou de jus de pomme … on va aussi
jeter un coup d'œil à la marre, méconnaissable par rapport à ce qu'elle était quand on l'a découverte … maintenant, il y a une belle surface d'eau libre, une roselière que Gégé s'efforce de
contenir dans des limites raisonnables, et quelques nénuphars que la végétation qui avait envahi la marre n'avait pas totalement étouffés.
Quand on revient dans la cour, Isabelle;
- Si je peux … maintenant, je voudrais bien un verre d'eau, si c'est possible …
Gégé:
- Un verre d'eau ? Tu veux pas plutôt une bière ?
- Euh … non, merci, je … je préférerais un verre d'eau … mais si vous n'en avez pas
…
J'interviens:
- Si, Isabelle, on a de l'eau … Gégé, tu sais, dans la maison … j'avais acheté un pack
…
- Ah ouais, t'as raison … j'y vais …
- Attends ! Quelqu'un d'autre en veut peut-être aussi … Sarah ?
- Ah ben, moi, j'aimerais mieux une bière, si tu en as, Gégé, s'il te plaît …
- Sûr que j'en ai, patronne … je vais te chercher ça ! Quelqu'un d'autre ?
Finalement, c'est bière pour tout le monde, à l'exception d'Isabelle qui reste sur son premier
choix. Sven et Michel, pas bégueules, font comme Sarah, Gégé et moi, et sirotent leur bière à la bouteille. Gégé en profite pour faire visiter "ses appartements", comme il dit.
Sven:
- Alors, les terrains que tu vends, Marin, c'est ici, autour de la ferme ?
- Non. Autour de la ferme, j'ai prévu d'en garder pas mal … Ceux que j'aie vendus, c'est
plus haut, sur cette espèce de colline que vous avez peut-être aperçue en arrivant … ça s'appelle le ménez …
- Et c'est déjà construit ?
- Ça commence … le promoteur n'a pas encore tout vendu, mais il y a déjà deux villas qui
commencent à sortir de terre …
- Quatre, Marin …
C'est Gégé:
- Ouais, quatre, parce que les travaux ont continué sur les deux premières, et il y en a
deux autres qui ont commencé et qui ont déjà les murs du rez-de-chaussée …
Sven:
- C'est des villas ?
- Oui. C'est du haut de gamme … ce sera une sorte de résidence pour gens friqués … vous
voulez voir ? En plus, de là-haut, on a une vue vraiment sympa sur le village et la campagne environnante …
- Ben … pourquoi pas … c'est loin ?
- Non, à cinq minutes …
- Allons-y …
Là aussi, la visite dure un peu … nous entrons même sur le chantier d'une des villas … à
cette heure, il n'y a plus d'ouvriers et nous nous faufilons en riant comme des
sales gosses derrière un treillis qui ferme l'entrée du terrain. Un moment, pendant
que Sven, Sarah et Isabelle examinent la construction en professionnels, Gégé qui nous a accompagnés, me prend à part:
- T'as vu, Marin ? J'ai rien dit quand tu m'as présenté Michel … le mari du collègue à Sarah
…
- Oui, j'ai remarqué … mais … c'est normal … qu'est-ce que t'aurais à dire ?
- Ben quand même … le mari d'un mec !
- Ouais, ben, c'est comme ça … faut bien que tu t'y fasses …
- Ouais. C'est ce que la Cécile, elle m'a dit …
- C'est elle qui t'as fait la leçon …
- Ouais.
- Quand je t'ai annoncé qu'on allait venir, tu leur en as parlé, à Jean et à elle, de Sven
et de son mari …
- Ouais.
- Et t'as dû sortir une vanne sur Sven et son mari …
- Ouais.
- Alors, la Cécile, elle t'a remonté les bretelles …
- Ouais.
- Et tu leur a parlé de moi …
- De toi ?
- Oui … dans le feu de la discussion, tu leur as dit que moi aussi, avec les mecs
…
- Ah NON ! NON NON NON ! ! ! ! J'ai rien dit ! Alors
là, j't'assure, j'ai rien dit ! Et je dirais rien à personne ! JAMAIS ! Non, toi, c'était … c'était pas pareil … je me doute bien que … je me doute bien que faut pas que ça se sache … c'est pas
comme eux, là, le Sven et le Michel … eux, c'est officiel, c'est légal et tout ... mais toi … non, non … faut pas que ça se sache ! Je dirai jamais rien à personne !
Un silence, puis:
- Tu m'crois, hein !
- Oui, je te crois.
- T'es mon pote … alors je dirai rien … jamais !
Nous finissons la visite en admirant le paysage … le clocher de Plouménez qui dépasse des
arbres, là, sur la gauche … les bois, les haies, les prairies où on aperçoit encore quelques vaches blanches et moires qui broutent …
- Vous savez quelle heure il est ?
C'est Sarah qui vient de nous rappeler à la réalité.
- Il est neuf heures un quart !
Là, je me dis que, le temps de faire le trajet jusqu'à Lannégat, on ne trouvera plus de restau
qui acceptera de nous servir. Alors je lance:
- Dites … si nous arrivons pratiquement à dix heures à Lannégat, j'ai peur qu'on ne trouve
pas de restau disposé à nous servir … alors, je vous propose d'essayer de réserver une table dans une auberge à dix minutes d'ici … j'y vais souvent et ils me connaissent bien … on peut tenter le
coup … vous nous déposerez chez moi après …
Ils se regardent, ça a l'air de leur convenir à tous. Alors j'appelle.
- Auberge Gaillard, bonsoir … que puis-je pour vous ?
- Bonsoir. C'est monsieur Cathare. Vous pourriez me passer Christophe, s'il vous plaît
?
- Ne quittez pas, monsieur.
Je sais que si je demande directement à la gérante, je risque de me faire éconduire …
aimablement, mais fermement … alors je préfère demander au maître d'hôtel, Christophe … lui m'a vraiment à la bonne depuis ma première visite à l'auberge, et je sais qu'il fera son possible pour
me donner satisfaction … j'y vais très régulièrement, j'y laisse pas mal d'argent et pas mal de pourboires …
- Monsieur Cathare ?
- Oui. Bonsoir Christophe. Je sais qu'il est tard, mais j'espérais que vous pourriez nous
accueillir quand même … nous sommes six …
- Ah … euh … et vous seriez là dans combien de temps ?
- Dans dix minutes …
- Bon. On est complets, mais … demain on a un mariage de quatre vingt personnes et on a
monté une tente dans le jardin … ça vous ennuie si je vous installe là, sous la tente ?
- Non. Du moment que vous pouvez encore nous servir, ça nous va …
- Bon, alors, je fais dresser une table pour six sous la tente …
- Il y aura de la lumière?
- Oui, bien sûr !
- Alors à tout de suite.
- A tout de suite, monsieur …
Voilà. Dix minutes plus tard, Christophe nous installe sous la tente. Nous nous sommes serrés
dans la voiture de Michel parce que Gégé est venu avec nous. Je lui ai seulement demandé de se changer et de mettre des vêtements propres. Quand le maître d'hôtel s'éloigne, j'entends la gérante
qui se met à râler après lui. Il faut dire, quand elle nous a vus passer devant elle et nous diriger vers une des portes-fenêtres de la grande salle d'où le maître d'hôtel nous faisait signe de
le suivre, elle n'en croyait pas ses yeux. Elle m'a reconnu et elle nous a servi son sourire commercial, mais elle était sidérée. Là, je ne comprends pas ce qu'elle dit au maître d'hôtel, et
c'est clairement une engueulade, mais vis à vis des autres clients, elle ne peut pas se permettre de faire un esclandre … j'entends seulement Christophe lui sortir avec beaucoup de conviction du
"monsieur Cathare" long comme le bras …
Quand il revient, cinq minutes plus tard, je lui demande:
- Vous vous êtes fait engueuler ?
- Oui, mais c'est pas grave … elle ne peut rien contre moi … les habitués viennent ici à
soixante pour cent pour la cuisine et à quarante pour cent pour moi … et elle le sait … alors elle ne peut pas se passer de moi … et puis, j'avais demandé aux cuisines si ça leur posait un
problème, et ils m'ont dit OK. De toute façon, ce soir, ils font des heures sup à cause du mariage de demain. Bon. Prendrez-vous un apéritif, messieurs-dames ?
Oui, nous prenons … à l'exception de Michel qui va conduire pour nous emmener à Lannégat avant
de rentrer à Quimper avec Sven et Isabelle.
Dîner très agréable. Sarah a été … aux anges, je crois. Elle a un peu bu et elle m'a rappelé ce
dimanche dans la brasserie de Saint-Jean, quand nous nous sommes rencontrés. Elle a beaucoup ri, elle a plaisanté avec Gégé, et tout le long du repas, elle a pillé mon assiette … au moment du
dessert, elle était un peu pompette, comme elle dit … Les autres aussi ont apprécié cette soirée. J'ai découvert un autre Sven … déconneur, vanneur, racontant des histoires salaces avec son
accent germanique … "non, pas boche, Gégé, danois !" Michel aussi est un joyeux luron … dans un autre style … plus subtil. Comme d'habitude, le maître d'hôtel a été aux petits soins pour nous.
Nous avons même eu la visite du chef qui tenait à nous saluer. Comme c'était la fin du service, Christophe et lui ont même pris un verre avec nous.
Il était vingt trois heures trente quand nous avons déposé Gégé à l'entrée du chemin de la
ferme. Puis direction Lannégat. En chemin, j'ai proposé à Isabelle de loger chez nous … il y a plus de place que chez Sven et Michel où elle aurait dû se contenter du canapé du salon … elle a
accepté … Michel et Sven ont bien compris …
A minuit passé, quand nous sommes arrivés à Lannégat, nous avons trouvé plein de cartons sur le
palier de l'étage et jusque dans l'entrée de la soupente entre les chambres … c'est Denez, le mari de Gwen qui les avait entassés là. Quand David et Laura m'ont annoncé qu'il viendraient passer
quelques jours chez moi pendant leurs vacances, j'ai réalisé que je n'avais rien pour coucher leurs enfants. Alors, j'ai appelé le magasin de Brest où j'avais acheté tout mon mobilier, et j'ai
demandé la commerciale qui m'avait conseillé. Je lui ai expliqué le problème et elle m'a fait toute une liste de ce qu'elle avait à me suggérer pour des enfants … couchages complets, c'est-à-dire
lits, matelas et literies, mais aussi commodes, tables de chevet, éclairage, chaises, petits bureaux, tapis … la totale, quoi. Elle a proposé de me faire livrer le tout et de le faire monter par
des spécialistes, mais j'ai refusé … je ne tenais pas à voir revenir le fameux Paulin, celui qui … celui avec la grosse … Sachant que Denez travaille à Brest, pas très loin de ce magasin, je lui
ai demandé s'il accepterait de prendre livraison des meubles … il a été un peu étonné, mais il a accepté … vu le volume que ces meubles représentent, il a même emprunté un fourgon au laboratoire
où il travaille.
Il me restera à monter moi-même tous ces meubles avant l'arrivée de David et Laura …
c'est-à-dire dimanche en fin de matinée ! J'ai la journée de samedi pour faire ça, et la matinée de dimanche. En attendant, je fais un peu de place sur le palier pendant que Sarah aide Isabelle à
transformer le canapé de mon bureau en lit … en vrai lit. Oui, j'ai gardé la deuxième chambre, à l'étage, pour Laura et David. Mais le bureau est très bien aussi, il y a pas mal de place et
Isabelle y sera tranquille. Et tout en installant la literie, ça rigole, dans le bureau … je me demande si elles ne seraient pas en train de se payer ma tête, ces deux-là !
Quand Sarah sort de la salle d'eau et me rejoint dans la chambre, elle se glisse sous la couette
légère, et vient se blottir contre moi:
- Hhhmmmm ! Je suis contente … c'était bien, cette soirée … vous vous êtes bien entendus,
avec Sven et Michel …
- Pourquoi on ne serait pas entendus …
- Sven n'est pas toujours facile, tu sais … et là, avec cette histoire de terrain, de
construction, de déménagement, je me demandais …
- Je pense que je fais beaucoup d'efforts, quand même … je peux difficilement faire plus …
d'ailleurs, j'ai remarqué que c'était surtout lui qui discutait, qui posait des questions … toi, tu n'as rien dit …
- Oui, je sais … on s'était mis d'accord pour ça … il pensait qu'il valait mieux que ce soit
lui qui parle … il ne voulait pas que je … vis-à-vis de toi, tu vois …
- Il ne voulait pas que tu te laisses influencer par tes sentiments …
- Non, c'est pas ça … enfin … si, c'est un peu ça … tu m'en veux ?
- Mais non. C'est ce que je me suis dis … et j'ai compris … c'est normal … Maintenant, c'est
à vous de décider.
- Oui. On va en parler, Sven et moi. On dort ?
- Je sais pas … tu as autre chose à me proposer ?
Elle se redresse un peu et elle me regarde, les yeux brillants:
- J'ai un peu sommeil … mais toi, tu … tu as envie ?
- Pas particulièrement … mais je suis … à ta disposition …
Elle ronronne:
- Hhhmmm … je crois que j'ai plus sommeil qu'envie … ça t'ennuie ?
- Non. Dormir contre toi, c'est déjà le bonheur …
- Bon. Alors bonne nuit, mon compagnon.
- Bonne nuit, la plus belle femme du monde.
Samedi 2 août. 8 heures
J'ouvre les yeux. Contre moi, je sens la présence, chaude et douce de Sarah. Il me faut quelques
secondes pour réaliser que je suis chez moi, à Lannégat, avec cette femme merveilleuse dans mon lit. Il faut que je me lève et que j'aille acheter de quoi préparer le petit déjeuner. Je me
redresse, je me penche sur Sarah et je pose mes lèvres sur son front, sur sa tempe, sur sa joue:
- Bonjour, la plus belle femme du monde …
Elle grogne:
- Hhhhmmmm !
Je recommence … je pose mes lèvres sur sa tempe, sur sa joue, sur son nez:
- Je vais faire un saut au supermarché … dors …
Elle grogne à nouveau:
- Maiiiiiiiis … laisse-moi, j'ai encore sommeil !
Je réitère … je pose mes lèvres sur sa joue, sur son nez, sur son menton:
- Oui, je te laisse … dors, mon amour …
Elle ouvre les yeux et elle me repousse:
- Tu le fais exprès ! Sale type ! Tu vas voir, tout à l'heure !
Je m'esquive pendant quelle se retourne. Je l'entends grommeler « Sale bête ! »
9 heures moins le quart.
Quand je reviens du supermarché, je trouve un mot sur l'îlot central de la cuisine « Bonjour
Marin. Je suis partie faire une petite heure de running. A tout de suite. Isabelle ». Bon. Je ne sais pas à quelle heure elle est partie. Quand je suis sorti, tout à l'heure, vers huit
heures et demie, il me semble qu'elle n'était pas encore levée … enfin, je n'ai pas vraiment fait attention. On verra bien. Mon téléphone bourdonne:
- Oui ?
- C'est Gwen … bonjour. Tu es chez toi ?
- Oui. Bonjour. On est arrivés cette nuit. Tu veux venir prendre un café ?
- Euh … oui, vite fait … j'ai pas mal de travail, ce matin. Tu sais, les locations de
vacances … j'ai des fournées de touristes qui arrivent en fin de matinée.
- Ah oui. Tu as déjà des arrivées, aujourd'hui ?
- Oui. Plein.
- Je prépare le café. Je t'attends.
Sarah a dû m'entendre rentrer du supermarché. Elle descend, radieuse … elle s'approche, elle me
tend ses lèvres, elle glisse une main sous ma chemise, elle me caresse les reins, et … sans me prévenir, elle me pince le gras juste au-dessus de la hanche … et elle y va de bon cœur.
Alors:
- Aïe ! Mais, ça va pas, non ?
Elle s'écarte précipitamment:
- Ça t'apprendra à m'empêcher de dormir … sale bête !
- Oh, la vache ! Attends …
Elle rit et fait semblant de se sauver, mais trop lentement … je la rattrape, je l'entoure de
mes bras et je l'embrasse dans le cou. Elle se laisse faire et ronronne …
- Hhhmmmm, oui, encore …
- Tu as de la chance … Gwen doit arriver dans trois minutes, sinon …
- Sinon ?
- Sinon, on serait retournés dans la chambre et je t'aurais …
- Oh, ben trois minutes, avec toi, ça devrait suffire !
- Oh la vache ! T'exagères !
Elle rit encore, puis:
- Isabelle dort encore ?
- Non. Elle est partie faire du running …
- Du running ?
- Oui, un jogging, quoi …
- Oui, ben je sais ce que c'est ! Et Gwen ?
- Elle m'a appelé … elle vient prendre un café.
- Encore ? Déjà l'autre fois, quand j'étais là, elle est venue prendre un café le samedi
matin … vous faisiez ça tous les samedi ? Il est au courant, Denez ?
- Dis donc, tu ne serais pas encore jalouse, toi ?
- Non, je te charrie.
- Mais tu as raison, c'était souvent le samedi matin. D'abord parce que le reste de la
semaine, j'étais à Plouménez, et que je ne revenais ici que le week end … et ensuite parce que le samedi, en général, elle viens courir dans le coin …
- Bon, enfin, tant mieux ! Je vais lui demander si elle est toujours d'accord pour me prêter
une planche de surf … et pour m'apprendre, elle me l'avait proposé. Je peux t'aider ?
- Comme tu veux, mais je peux me débrouiller, j'ai l'habitude. Je prépare le café. Alors tu
peux chauffer ton lait, si tu veux … je suis allé en acheter … et aussi du miel, du beurre, du pain frais et des viennoiseries …
Elle s'approche, elle m'enlace, sa joue sur mon épaule, son front dans mon cou:
- Monsieur mon gentil compagnon qui pense à tout …
- Tiens, voilà Gwen …
Au regard que lui jette Sarah, je devine ce qu'elle pense de la tenue de Gwen … encore très sexy
! Toutes souriantes, elles s'embrassent comme deux bonnes copines de toujours. Elles sont visiblement ravies de se revoir et se mettent à discuter comme le jour où elles ont fait connaissance. Ça
me plaît tellement qu'elle s'entendent comme ça, ces deux-là !
Je remplis une tasse de café pour Gwen au moment où Isabelle revient. Gwen:
- Ah, bonjour ! Vous … vous êtes chez Marin ?
- Oui.
Et à notre intention:
- On s'est croisées en train de courir, toutes les deux, tout à l'heure, un peu au-dessus du
port !
Alors Sarah fait les présentations:
- Bon. Gwen, c'est Isabelle … elle fait partie de notre équipe … au travail, je veux dire …
et Isabelle, l'autre sportive, c'est Gwen, qui est la … qui est agente immobilère … on peut dire comme ça ? Enfin, bref, Gwen travaille pour Marin … c'est elle qui s'occupe de ses terrains qu'on
a vus hier à Plouménez …
Gwen:
- Ah, d'accord. Enchantée. Vous êtes en vacance chez Marin ?
- Oui et non. Je suis aussi ici pour explorer la région … pour savoir si … si je
m'adapterais au cas où Sarah déciderait de transférer ses bureaux ici … enfin, à Plou-je-sais-pas-quoi…
- A Plouménez ! Ah oui ? Sarah, tu as l'intention de …
Sarah:
- On y réfléchit. Isabelle est en vacance, en effet, alors elle en profite … d'ailleurs, on
se demandait … Isabelle voudrait pouvoir circuler, visiter la région … autour de Plouménez surtout, mais aussi à Quimper … et elle voudrait louer une voiture … tu sais où il y a des agences de
location, comme Avis ou Hertz …
- Ben … oui, je sais, mais si c'est pour quelques jours, je peux lui prêter la voiture de ma
grand-mère … elle ne s'en sert plus … elle a quatre vingt dix ans … ma grand-mère, hein, pas la voiture … mais elle ne veut pas la vendre … elle l'entretient et elle est toujours assurée
…
Isabelle:
- Oui, mais je ne veux pas …
- Ça lui fera plaisir, au contraire. Là, tout de suite, je ne vais pas avoir le temps, mais
je vais l'appeler, ma grand-mère, pour la prévenir, et vous pourrez aller chercher la voiture vers midi … je vais demander à Denez de vous accompagner …
- Bon, c'est très sympa … merci.
- De rien. Ça la fera rouler un peu, et ça lui évitera de rouiller … la voiture, pas ma
grand-mère …
Eclat de rire général.
- Dis, Gwen, tu remercieras Denez de ma part … pour les meubles … Je le remercierai
moi-même, mais en attendant, dis-lui que je suis touché …
- Ça ne le dérangeait pas …
- Il me reste à les monter … gros travail …
Sarah:
- Mais, on va t'aider, empoté !
- J'y compte bien, mais il faudrait aussi faire des courses … le frigo est vide
…
Gwen:
- Ben, c'est le marché, ce matin, sur la place près du port … vous n'aurez qu'à y faire vos
courses en allant chercher la voiture de ma grand-mère.
- Tu as raison. Sarah, tu pourrais emmener Isabelle avec ma voiture en fin de matinée … moi,
il faut que j'avance, avec les meubles à monter … tu te souviens comment on va chez Gwen ? Sa grand-mère habite un peu plus loin, au bout du chemin …
- Oui, je me souviens … euh, oui, je veux bien emmener Isabelle, mais … je sais pas si je
saurais conduire ta … ta … ta voiture … elle a au moins dix ans ! Et elle est plutôt … rudimentaire !
- Ne te moques pas de ma voiture … en fait, elle a onze ans, et en effet, elle est
rudimentaire parce que c'est une voiture de pauvre … mais elle a quatre roues, un moteur et un volant, c'est tout ce que je lui demande, et elle me suffit …
- C'est déjà celle-ci que tu avais quand … quand on s'est rencontrés …
- Oui.
Le regard un peu perdu, la voilà soudain devenue grave. Je réalise que ça fait peut-être
remonter en elle des choses désagréables Elle doit se souvenir que c'est dans cette voiture que je l'ai amenée chez moi, un samedi soir de janvier, il y a dix huit mois … et surtout que c'est
dans cette même voiture qu'elle m'a transpercé le cœur vingt quatre heures plus tard. Alors je m'empresse d'enchaîner:
- Mais tu as raison, tu n'es sûrement pas capable de la conduire … on n'a qu'à échanger, tu
monteras les meubles et moi, j'emmènerai Isabelle …
Elle rit:
- Dis donc, sale bonhomme ! Je saurais bien la conduire quand même ta … bagnole pourrie
!
Ouf, je l'ai détournée de ses mauvais souvenirs … elle m'asticote en riant … j'adore quand elle
me traite en riant de sale bonhomme, de sale bête, de sale type !
Je sers un café à Isabelle et nous prenons le petit déjeuner en bavardant.
Jeudi 6 août. 10 h 30
C'est fait. Nous avons fini de poser les traverses sur le chalet que Denez
installe dans son jardin. Il a commencé à le monter samedi, au début de ses vacances, et il nous avait demandé de l'aider pour la toiture. Alors Sarah, David et moi, nous sommes descendus lui
donner un coup de main vers neuf heures et demie, laissant le soin à Laura de s'occuper du réveil et du lever des gamins … des quatre gamins !
Ah oui, j'explique … mais commençons par le commencement.
Tout d'abord, dimanche, David, Laura et les enfants, sont arrivés bien plus tôt
que prévu … Lise et Ugo, trop impatients et excités à l'idée de venir en vacances chez nous, n'avaient pas pu s'endormir et avaient cassé les pieds à leurs parents au point que ceux-ci se sont
décidés à prendre la route à quatre heures du matin … à leur arrivée, ils ont visité la maison et ils se sont installés, puis nous avons déjeuné. En début d'après-midi, alors que David
avait décidé de faire la sieste, nous sommes descendus à pied à la plage, les femmes, les enfants et moi. Oh la la ! Juste avant qu'on se mette en route, Sarah était sortie de la salle d'eau avec
le maillot de bain qu'elle avait envie de porter:
- Tu en penses quoi, Marin …
- Ouaaaaaahhhh ! Mais tu vas provoquer une émeute !
- Arrête ! Dis-moi seulement si ça n'est pas un peu trop … un peu trop
…
- Ah si ! Pour être trop, c'est trop !
C'est un maillot de bain une pièce, rouge … mais d'un rouge … vif, et … je ne sais
pas expliquer … d'après Sarah, cette nuance s'appellerait Candy. En tout cas, je ne sais pas si c'est le contraste avec sa peau sombre, mais sur elle, ce maillot est … somptueux … il n'est
vraiment pas bien grand et il laisse voir beaucoup de son corps … en plus, il est taillé dans une matière apparemment ultra fine et souple, très moulante … Elle est … hypersexy, avec ça
!
Elle prend un air désolé:
- C'est vrai ? Tu le trouves trop … trop impudique ?
- Ah non, c'est pas ça … je voulais dire trop beau, trop sexy, trop … tu es
magnifique ! Viens, approche, que je touche …
Elle rit et elle s'approche et pose ses deux mains sur mes épaules en me regardant
avec un drôle de sourire. Je touche … d'abord son ventre, sa taille, puis ses fesses, largement échancrées … ouaaaaahhhh !
- Je crois qu'on va plutôt rester ici … on ira à la plage plus tard
…
- Marin … arrête … Laura et les enfants nous attendent …
- Pffffffff, bon d'accord, on y va … mais je te préviens, sur la plage, si des
hommes te sautent dessus, je ne sais pas si je pourrais te protéger … à moins que ce soit les femmes qui veuillent t'arracher les yeux …
- Alors, ça te plaît …
- Oui, beaucoup, évidemment. La plus belle femme du monde à la plage en
Bretagne !
- T'es bête.
- Montre ton maillot à Laura, tu verras …
Elle a montré … Laura, les yeux ronds comme des soucoupes, s'est contentée de
siffler entre ses dents et de commenter sobrement:
- Mazette !
Lise a ajouté:
- Qu'est-ce que t'es belle comme ça, Sarah !
Par dessus son maillot, elle a enfilé une espèce de robe longue et légère … et
légèrement transparente … et nous sommes partis, Sarah et Lise marchant devant, main dans la main en bavardant, suivies de Ugo tapant avec un bâton sur toutes les herbes qu'il croisait, et Laura
et moi fermant la marche en bavardant, nous aussi. Un moment, profitant que Sarah et Lise nous avaient pas mal distancés, Laura m'a dit:
- Dis donc, elle a vraiment repris du poil de la bête, Sarah … elle est encore
un peu maigre, mais par rapport à il y a un mois et demi, c'est le jour et la nuit … jusqu'à ce qu'elle se décide à te revoir, elle était tout le temps un peu … tu sais, un peu courbée en avant,
les bras croisés sur la poitrine, le dos voûté, la tête baissée, comme si elle avait tout le temps froid … ou … ou honte … elle était triste et tout le temps sur le qui-vive … on ne pouvait rien
lui dire, elle prenait tout de travers, elle démarrait au quart de tour … enfin, bon, tu vois … et maintenant, regarde-la … elle est … elle est resplendissante, elle rayonne … même dans … dans sa
façon de se tenir, dans ses gestes, elle est … gracieuse … une princesse ! Et regarde comme elle marche … elle marche pas, on dirait qu'elle danse … c'est incroyable, ce changement ! Tu lui as
fait quoi pour qu'elle ait remonté la pente comme ça ? Et le moral, c'est pareil … elle sourit, elle rit … je l'ai même entendue chanter, tout à l'heure ! Et puis, il faut voir comment elle te
regarde !
- Ecoute, je lui ai rien fait de spécial … je l'aime, elle le sait, elle le
sent … elle est rassurée sur nous, et sur elle-même, aussi … elle est apaisée, je crois.
Laura m'a pris le bras, et:
- Tous les deux, vous nous faites chaud au cœur, à David et
moi.
Elle a raison, Laura, il faut voir comment Sarah me regarde ! S'il m'arrive d'avoir des doutes, s'il m'arrive de me demander
comment une telle femme peut être amoureuse de moi, s'il m'arrive de me demander si elle est sincère, il suffit en effet qu'elle me regarde pour que mes craintes s'envolent. Parfois, je la
surprends à me regarder en douce et quand nos yeux se croisent, je reçois une véritable bouffée d'amour. Je ne saurais pas dire à quoi ça tient, ni ce qu'il y a dans ses yeux à ce moment là, mais
c'est une évidence. Et parfois, quand nous nous faisons face, les yeux dans les yeux, c'est pareil. Il y a une lueur particulière dans sa pupille, ses yeux sourient et elle me boit des
yeux.
à suivre ...